Radical: la classe rêvée

Radical est un long métrage de Christopher Zalla (sorti en salles au Mexique en 2023), avec Eugenio Derbez (l'un des acteurs les plus populaires au Mexique) dans le rôle principal (celui de l'instituteur), mais aussi investi en tant que producteur délégué.

En 2023, le film a reçu le prix du public (Favorite Price) au Sundance Film Festival de Park City, Utah (le plus grand festival américain du film indépendant), le prix du meilleur film hispano-américain du Málaga Festival (festival du film de Málaga) en 2024.

Il a été présenté pour la première fois en France au festival des Images hispano-américaines d'Annecy en 2025 (hors compétition) où il a reçu un accueil très enthousiaste (LibreInfo74).

C'est sans doute le plus bel hommage que le cinéma ait rendu juqu'à présent à une pédagogie libertaire et progressiste; on y verra de fortes références au constructivisme de Jean Piaget, à la classe coopérative de Célestin Freinet (et à tous ceux que j'oublie), même si Sergio Juarèz Correa, l'instituteur, semble s'être inspiré d'expérimentations anglaise et indienne plus récentes et n'a peut-être pas lu les pédagogues cités plus haut.

Radical est un film incroyable, mais c'est une fiction basée sur des faits réels. L'école inspiratrice du film existe à Matamoros, une ville mexicaine poussièreuse proche de la frontière des Etats-Unis et de la côte atlantique, sur la rive sud du Rio Grande; la ville est gangrénée par le trafic de drogue (Wired #21). Le réalisateur avoue avoir choisi pour le tournage une école de la banlieue de Mexico, celle de Matamoros donnant une image trop misérabiliste; il utilise le côté inhabituel de la pédagogie pratiquée, mais aussi la caricature des autorités, pour mettre en scène des séquences cocasses forçant le détail des traits, et transformant un film qui pourrait être très sombre en une comédie dramatique (merveilleusement) équilibrée. On peut trouver le film trop beau pour être vrai, mais c'est aussi une manière de nous faire réfléchir (en 1974 un candidat à l'élection présidentielle française nous avertissait que notre seul choix est entre l'utopie ou la mort).

Radical mêle le rire et les larmes. C'est un film total qui nous renvoie l'image d'une école révée mais insérée dans une société inaceptable par ses inégalités, sa discrimination et finalement son caractère totalitaire.

Un des atouts du scénario est d'utiliser les élèves, qui contrairement à Eugenio Derbez sont tous des non-professionnels et recrutés dans une banlieue de Mexico, pour que chacun personnifie un espoir, un message. Ces élèves-acteurs sont des défavorisés qui jouent leur propre rôle. Le film en tire une force extraordinaire:
- Nico (joué par Danilo Guardiola) qui se bat pour ne pas être enrôlé par un cartel dénonce dans le drame cette situation et la corruption des autorités;
- Lupe (jouée par Mia Fernanda Solis), une gamine de 12 ans dévore les livres de philosophie pour nous délivrer un message progressiste et plein d'équilibre sur l'avortement;
- Paloma (jouée par Jennifer Trejo) nous montre qu'on peut construire une lunette astronomique avec des déchets récupérés sur la décharge où elle vit et rêve de devenir astronaute; un exemple pour donner à toutes les filles la passion des mathématiques.

La situation en France n'est pas aussi dramatique qu'au Mexique (surtout en ce qui concerne les cartels), mais tout ce qui est dénoncé dans le film se retrouve chez nous, qu'il s'agisse du trafic de drogue, des discriminations sociales, de genre (l'aversion des filles pour les études scientifiques) et surtout du conservatisme pédagogique. Le modèle pédagogique mis en avant par Jean-Michel Blanquer, repris par Gabriel Attal sous le titre de Choc des Savoirs et les dernières moutures des programmes de l'école maternelle dissimulant leur archaïsme derrière l'ambiguïté de la "pédagogie explicite" sont là pour nous le rappeler (et si Radical pouvait nous aider à les combattre ?).

Le film est sorti en salles en Suisse et en Belgique, mais il n'est pas encore distribué en France: on l'attend impatiemment.

Références

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