Réforme du lycée : le piège
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Jean-Michel Blanquer avance masqué ; c'est ce qui en fait le ministre de l'éducation le plus dangereux que l'école ait connu depuis longtemps. Les attaques du ministre concernent tous les niveaux de l'Education (1), mais cet article se centre sur le secondaire.
Tout à commencé par la réforme du bac. Annoncée comme une simplification elle conduit à une effroyable complexification incitant au bachotage permanent. Mais cette réforme ne semble là que pour masquer la réforme du lycée.
Annoncée comme une disparition des filières, la réforme du lycée oblige en réalité les élèves à anticiper leurs choix d'orientation, tout l'inverse de ce qu'on pouvait espérer!
Dès la fin de la classe de troisième, le choix du lycée (tous les lycées n'offriront pas toutes les spécialités) sera déterminant. Le système élimine déjà tous ceux qui ne sont pas à l'aise dans leur expression écrite ; pour cela on utilise la séparation entre lycée professionnel, lycée technologique et lycée général. Deux filtres successifs pour mieux atteindre le but visé. Et pendant ce temps là on déplore en permanence la dévalorisation des études professionnelles sans rien mettre en place pour retourner la situation, cherchez l'erreur...
En fin de première le choix des deux spécialités de terminale, combinés avec le fonctionnement de Parcours Sup verrouille les études supérieures possibles. Dans l'ancien système, au moins dans les textes, on affirmait par exemple la possibilité pour tout élève de série S de se diriger vers n'importe quelle formation supérieure et il n'y avait pas de tri des dossiers par les universités.
En réduisant à 2h les enseignements scientifiques du "tronc commun", on dévalorise les enseignements littéraires. Un paradoxe sur lequel surfe Jean-Michel Blanquer. A quoi bon se spécialiser dans des disciplines (littéraires) qui n'offrent pas de débouché dans l'enseignement supérieur? Toute la perversité du ministre est d'agir constamment en trompe-l'œil.
Un problème supplémentaire est créé par l'utilisation des mathématiques. Les maths sont bien une spécialité, pour... les mathématiciens. Mais pour les autres métiers et à l'égal du français les mathématiques ne sont pas une discipline comme les autres. Il est impossible de faire l'impasse sur cet outil. Demain, la quasi totalité des formations supérieures longues exigeront des maths. Hors les maths ne sont plus obligatoires à partir de la première. En même temps les nouveaux programmes relèvent nettement le niveau des spécialités mathématiques. Le choix d'un couple de spécialités comme Physique-Chimie et SVT apparait initialement pertinent vu la proximité de ces disciplines et leur heuristique commune dans laquelle l'expérimentation tient une place essentielle (si on met de côté quelques aspects plus historiques de la biologie), mais sans complément mathématique, ce choix apparait inviable.
Cerise sur le gâteau (si on peut dire puisqu'on va dans le mauvais sens), les nouveaux programmes ajoutent à cette régression. De nombreux enseignants dénoncent leur conservatisme dans les disciplines sensibles (Sciences économiques, Histoire). En sciences de la vie et sciences de la Terre le programme n'a jamais été aussi encyclopédique comme si on avait anticipé l'abandon de la spécialité SVT en terminale et voulu caser sur la seule année de première ce qui s'enseignait auparavant sur deux années. La conséquence est une tentative de transmission désincarnée d'une masse de connaissances là où il faudrait développer par une pratique réelle la prise de conscience de la démarche scientifique et de ce que représente la modélisation.
L'école française souffrait déjà de son élitisme (mis en évidence par exemple par l'analyse des évaluations PISA). Les changements proposés ne font qu'accentuer ce défaut. L'avenir est sombre.
(1) Dans le premier degré sa politique vise à favoriser l'enseignement privé (en instaurant la scolarité obligatoire à 3 ans !, à éviter une modernisation des méthodes pédagogiques (en remplaçant le troisième maitre pour deux classes par des dédoublements qui confortent le face à face un maitre – une classe). Cette régression est largement dénoncée par ceux qui savent de quoi ils parlent.
Lire :
Monsieur Blanquer, nous ne voulons pas d'une école archaïque (Nouvel Observateur).
La Riposte, de Philippe Meirieu (Le Café pédagogique).
La Riposte, de Philippe Meirieu (Entretien avec Mediapart).
Classé dans: baccalauréat Jean-Michel Blanquer éducation lycée
Tout à commencé par la réforme du bac. Annoncée comme une simplification elle conduit à une effroyable complexification incitant au bachotage permanent. Mais cette réforme ne semble là que pour masquer la réforme du lycée.
Annoncée comme une disparition des filières, la réforme du lycée oblige en réalité les élèves à anticiper leurs choix d'orientation, tout l'inverse de ce qu'on pouvait espérer!
Dès la fin de la classe de troisième, le choix du lycée (tous les lycées n'offriront pas toutes les spécialités) sera déterminant. Le système élimine déjà tous ceux qui ne sont pas à l'aise dans leur expression écrite ; pour cela on utilise la séparation entre lycée professionnel, lycée technologique et lycée général. Deux filtres successifs pour mieux atteindre le but visé. Et pendant ce temps là on déplore en permanence la dévalorisation des études professionnelles sans rien mettre en place pour retourner la situation, cherchez l'erreur...
En fin de première le choix des deux spécialités de terminale, combinés avec le fonctionnement de Parcours Sup verrouille les études supérieures possibles. Dans l'ancien système, au moins dans les textes, on affirmait par exemple la possibilité pour tout élève de série S de se diriger vers n'importe quelle formation supérieure et il n'y avait pas de tri des dossiers par les universités.
En réduisant à 2h les enseignements scientifiques du "tronc commun", on dévalorise les enseignements littéraires. Un paradoxe sur lequel surfe Jean-Michel Blanquer. A quoi bon se spécialiser dans des disciplines (littéraires) qui n'offrent pas de débouché dans l'enseignement supérieur? Toute la perversité du ministre est d'agir constamment en trompe-l'œil.
Un problème supplémentaire est créé par l'utilisation des mathématiques. Les maths sont bien une spécialité, pour... les mathématiciens. Mais pour les autres métiers et à l'égal du français les mathématiques ne sont pas une discipline comme les autres. Il est impossible de faire l'impasse sur cet outil. Demain, la quasi totalité des formations supérieures longues exigeront des maths. Hors les maths ne sont plus obligatoires à partir de la première. En même temps les nouveaux programmes relèvent nettement le niveau des spécialités mathématiques. Le choix d'un couple de spécialités comme Physique-Chimie et SVT apparait initialement pertinent vu la proximité de ces disciplines et leur heuristique commune dans laquelle l'expérimentation tient une place essentielle (si on met de côté quelques aspects plus historiques de la biologie), mais sans complément mathématique, ce choix apparait inviable.
Cerise sur le gâteau (si on peut dire puisqu'on va dans le mauvais sens), les nouveaux programmes ajoutent à cette régression. De nombreux enseignants dénoncent leur conservatisme dans les disciplines sensibles (Sciences économiques, Histoire). En sciences de la vie et sciences de la Terre le programme n'a jamais été aussi encyclopédique comme si on avait anticipé l'abandon de la spécialité SVT en terminale et voulu caser sur la seule année de première ce qui s'enseignait auparavant sur deux années. La conséquence est une tentative de transmission désincarnée d'une masse de connaissances là où il faudrait développer par une pratique réelle la prise de conscience de la démarche scientifique et de ce que représente la modélisation.
L'école française souffrait déjà de son élitisme (mis en évidence par exemple par l'analyse des évaluations PISA). Les changements proposés ne font qu'accentuer ce défaut. L'avenir est sombre.
(1) Dans le premier degré sa politique vise à favoriser l'enseignement privé (en instaurant la scolarité obligatoire à 3 ans !, à éviter une modernisation des méthodes pédagogiques (en remplaçant le troisième maitre pour deux classes par des dédoublements qui confortent le face à face un maitre – une classe). Cette régression est largement dénoncée par ceux qui savent de quoi ils parlent.
Lire :
Monsieur Blanquer, nous ne voulons pas d'une école archaïque (Nouvel Observateur).
La Riposte, de Philippe Meirieu (Le Café pédagogique).
La Riposte, de Philippe Meirieu (Entretien avec Mediapart).
Classé dans: baccalauréat Jean-Michel Blanquer éducation lycée