Républicaine ? Vraiment ?
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Reprenant une technique de communication qu'il affectionne, Jean-Michel Blanquer, en employant les mots à l'inverse de ce qu'ils signifient, essaie à présent de s'approprier le mot de République et les adjectifs qui vont avec. Il n'est pas tout à fait le premier à le faire, mais lui n'hésite pas vraiment.
Hors «l'indécence est dans l'œil du regardant, pas dans la tenue de la regardée» (Naëm Bestandji, Marianne)
L'initiative des élèves est relayée notamment par la ministre déléguée à la citoyenneté, (Marlène Schiappa, Twitter), ainsi que par le collectif Nous toutes.
Jean-Michel Blanquer, prenant le contre pied de sa collègue, a cru pouvoir profiter de la situation pour détourner l'idée de République: «L'école n'est pas un lieu comme les autres. Vous n'allez pas à l'école comme vous allez à la plage ou en boîte de nuit. Chacun peut comprendre qu'on vient à l'école habillé d'une façon républicaine.» (Jean-Michel Blanquer, dans une déclaration sur (RTL le 21 septembre)
L'essai lui est revenu tel un boomerang, et le débat n'a fait qu'enfler.
«Ce qui me dérange par le discours actuel porté par le ministre de l'Éducation, c'est qu'on a l'impression qu'on met toute la culpabilisation sur le corps des femmes, une fois de plus: on a un discours à sens unique dans lequel on projette, sur le corps de ces jeunes filles, l'idée que ce corps est forcément, de façon inhérente, sexuel, provocant, dérangeant, et que c'est de leur faute (...) il faudrait au contraire tenir un discours à l'égard des garçons de changement de regard, d'attitude, de comportement. C'est toute la logique d'inculquer l'égalité filles-garçons à l'école, qui malheureusement a disparu depuis belle lurette.» (Najat Vallaud-Belkacem, le 18 septembre), expliquant qu'il fallait faire confiance aux chefs d'établissements.
Et une autre ministre, cette fois du même gouvernement que Jean-Michel Blanquer de dire exactement la même chose: «En France, chacun est libre de s'habiller comme il le veut. Les femmes ont mis des siècles à pouvoir s'affranchir de codes vestimentaires. Cette liberté conquise de haute lutte n'a pas de prix (...) C'est aussi un enjeu d'éducation des jeunes garçons, du rapport qu'ils entretiennent aux jeunes filles et lié aux valeurs de respect. » (Elisabeth Moreno, ministre déléguée à l'Egalité Femmes-Hommes, citée par Le Parisien, RTL)
Ce que Jean-Michel Blanquer a oublié c'est qu'en ce qui concerne l'image du corps et des vêtements, la République possède ses icônes dont la signification est largement partagée par les français.e.s.
Caricaturistes et photographes s'en sont donnés à coeur joie dans des productions souvent inspirées de La Liberté guidant le peuple d'Eugène Delacroix (note 1).
Quelques exemples de ces productions sont présentées ici en utilisant le droit de citation:
Sein caché quand même, le contraire ne passerait probablement pas la censure de Twitter.
Cette fois Jean-Michel Blanquer a perdu sa séquence de communication.
«Entre quelque chose qui ne marche pas –la méthode globale– et quelque chose qui fonctionne –la syllabique- il ne peut y avoir de compromis mixte» Jean Michel Blanquer, le 26 avril 2018. Avec ce genre de raccourci le ministre oppose la méthode qu'il veut rendre exclusive et une autre, quasiment disparue et qui n'a été pratiquée à 100% que dans de rares situations. Artifice de langage qui vise surtout à créer la polémique.
Et de publier son petit livre rouge (pardon orange), un guide 130 pages décrivant dans les plus petits détails ce qui doit être fait, réduisant les enseignants à de simples exécutants.
Ironiquement, les auteurs de ce guide reconnaissent que l'utilisation de la méthode globale est réduite à des reliquats: «Bien que la méthode globale ne soit plus guère utilisée, nous voyons que des reliquats de ses pratiques persistent» (collectif :p34).
Mais le but est avant tout politique: mettre au pas tous ces professeurs des écoles tentés de prendre des initiatives et surtout plaire à un public nostalgique, conservateur, attaché à l'image mythique d'une école des temps passés; pire, plaire aussi à une toute une partie défavorisée de la société qui ne comprend pas trop ce qui se passe, et surtout comment ses enfants sont orientés.
Cette volonté de tout vouloir réglementer suscite un tolé quasi unanime des syndicats d'enseignants:
Les manuels uniques ont existé et c'était pendant la Monarchie de Juillet (sous Louis Philippe). François Guizot, membre du parti conservateur, est nommé ministre de l'instruction publique en 1832. Dans une situation globalement confuse, ses mesures peuvent apparaitre contradictoires: en 1833 il institue la liberté de l'enseignement primaire mais interdit les écoles mutuelles. Il impose aux communes de plus de 500 habitants la création d'une école de garçons, et d'une école primaire supérieure dans les villes de plus de 6 000 habitants. Il laisse le champ libre à la diversité «Selon les besoins et les ressources des localités, cette instruction (élémentaire ou supérieure) pourra recevoir les développements qui seront jugés convenables» (Guizot cité par Ferdinand Buisson, 1911), mais fait préparer cinq manuels officiels dont L'alphabet et premier livre de lecture: «L'instruction peut et doit être unie (...) Cette unité demande surtout un certain nombre d'ouvrages spéciaux sur chacun des objets de l'instruction primaire (...) qui soient répandus sous les auspices du gouvernement dans toutes les écoles publiques».
Les méthodes de Jean-Michel Blanquer s'opposent à la tradition républicaine de l'école, celle mise en place par Jules Ferry:
Pour une analyse plus scientifique du contenu du petit livre orange lire: «Un guide fondé sur l'état de la recherche (...) Faux !» (Bucheton, 2018), «Apologie d'une méthode syllabique radicale alors que celle-ci ne devrait rester qu'une modalité parmi d'autres de cet enseignement» (Goigoux, 2018), et le dossier que le Café pédagogique à consacré à l'analyse globale de ces circulaires.
Et fin août 2020 Jean-Michel Blanquer a fait tester dans 350 classes de 10 départements non plus un guide mais cette fois un véritable manuel officiel Pour apprendre la lecture et l'écriture au CP.
On mesure sans peine toute la régression parcourue depuis l'école républicaine de Jules Ferry
2018 (2019). Pour enseigner la lecture et l'écriture au CP. Ministère de l'Education nationale.
↑ Bulletin officiel spécial n° 3 du 26 avril 2018. Ministère de l'Education nationale.
↑ Guizot. Dictionnaire de pédagogie de Ferdinand Buisson (1911). INRP / IFE.
↑ 1831. L'Alphabet et premier livre de lecture. Gallica.
Le premier texte en page 40 reprend le thème de la génèse; la loi sur la laïcité ne paraitra que 75 ans plus tard !
↑ Dominique Bucheton. 2018. Instructions Blanquer: un texte politique. Le Café pédagogique.
Le nouveau petit livre orange du ministre: faut-il en rire ? en pleurer ? ou s'inquiéter pour notre démocratie ?
↑ Roland Goigoux. 2018. Quelques éléments de réflexion en réponse aux questions que vous m'avez adressées à la suite de la publication du guide ministériel.
↑ Instructions Blanquer: le dossier. Le Café pédagogique.
Philippe Champy. 2019. Vers une nouvelle guerre scolaire. Quand les technocrates et les neuroscientifiques mettent la main sur l'Education nationale. La Découverte. (extraits sur Calameo).
L'école républicaine c'est l'école de l'Egalité. On attend trop souvent de l'école qu'elle corrige les inégalités sociales alors qu'on ne fait rien par ailleurs pour les réduire, comme si l'espoir d'une vie meilleure allait rendre ces inégalités plus supportables. Il faut inverser cette relation et prendre conscience que l'école ne peut vraiment être elle même que dans une société égalitaire. Une école qui permet à chacun de se réaliser, qui n'a pas pour but d'adapter chaque individu à tenir la place que d'autres lui ont assigné. Egalité n'est pas identité. L'égalité pour l'élève, c'est apprendre que l'autre, quels que soient ses différences, ses manques et ses forces, est au moins aussi important que lui.
L'école républicaine, c'est l'école de la Fraternité. J'aime bien aussi employer le terme de coopération qui se projette dans une dynamique de co-apprentissage. La fraternité ne peut être imposée à l'élève, sinon elle s'opposerait à la Liberté, elle doit être construite. La fraternité ne peut être un simple don parce que dans une relation trop assymétrique, elle s'opposerait à l'Egalité.
Pour l'histoire, la Liberté et l'Egalité apparaissent dans la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, la Fraternité est ajoutée par la Commune de Paris en 1793 (elle est alors gouvernée par un mouvement révolutionnaire représenté par son maire Jean-Nicolas Pache) qui inscrit la devise au fronton des édifices publics parisiens; la devise ne se diffusera sur toutes les écoles publiques de France qu'après 1879 sous la 3e République.
L'Egalité, comme l'énonce la déclaration de 1789 de l'Homme, est d'abord une notion de droit. Le glissement vers l'égalité économique est apprement discuté, les partisants du libéralisme économique reprochant l'incompatibilité avec la Liberté. La notion de bien commun, partagé entre les membres d'une communauté est déjà énoncé par Platon dans La République; l'application de cette notion aux ressources naturelles, ou aux biens immatériels (liés à la connaissance et à l'information) revisite l'idée d'Egalité dans la mesure où elle permet à chaque citoyen.ne d'en revendiquer une part égale et constitue un moteur contemporain dans la contestation du libéralisme économique ou de son avatar le néolibéralisme (1).
On est bien loin me semble-t-il de l'école de Jean Michel Blanquer, celle des apprentissages imposés, celle de l'évalution et des classements permanents, celle de la compétition érigée en paradigme.
(1) Il faut quand même avouer qu'il manque quelque chose à cette Ecole Républicaine malgré les réflexions naissantes d'un Elisée Reclus face à la relativité du "progrès" dans la diversité des cultures ou les émotions d'un Jean-Jacques Rousseau face à la Nature, et qu'on pourrait nommer l'Humilité.
La réflexion démarrée au siècle des lumières doit être poursuivie: «Au cours des siècles, la science a infilgé deux blessures à l'amour-propre de l'humanité: la première, lorsqu'elle a montré que la Terre n'est pas le centre du monde mais un point minuscule dans un univers d'une dimension à peine concevable; la seconde quand la biologie a frustré l'Homme du privilège d'avoir fait l'objet d'une création particulière et a mis en évidence son appartenance au monde animal.» (Sigmund Freud, 1916: 266-267). Il nous reste a en prendre vraiment conscience et le temps presse.
J'invite tous les lecteur.trice.s à m'envoyer d'autres exemples de détournement du mot République (par JMB) pour enrichir cette page.
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La tenue "républicaine"
Profitant de la douceur climatique de l'automne, dans la foulée du mouvement MeeToo, une action menée sur les réseaux avec le hashtag #lundi14septembre par les collégiennes et les lycéennes soulignait le fait que les réglements intérieurs des établissements s'adressaient davantage aux filles qu'aux garçons dans leurs injonctions vestimentaires. Le mouvement, déjà très visuel au départ, s'appuyait la la publication sur les réseaux de selfies dans des tenues permises ou pas par les réglements intérieurs. La plupart de ces réglements mentionnent une tenue "correcte" sans la définir (il serait plus facile d'imposer un uniforme que de lister à la Prévert des interdits dépendant des modes du temps). On glisse en fait facilement du droit à la morale, la tenue "correcte" devenant une tenue "non provocante" (bakir, 2020).Hors «l'indécence est dans l'œil du regardant, pas dans la tenue de la regardée» (Naëm Bestandji, Marianne)
L'initiative des élèves est relayée notamment par la ministre déléguée à la citoyenneté, (Marlène Schiappa, Twitter), ainsi que par le collectif Nous toutes.
Jean-Michel Blanquer, prenant le contre pied de sa collègue, a cru pouvoir profiter de la situation pour détourner l'idée de République: «L'école n'est pas un lieu comme les autres. Vous n'allez pas à l'école comme vous allez à la plage ou en boîte de nuit. Chacun peut comprendre qu'on vient à l'école habillé d'une façon républicaine.» (Jean-Michel Blanquer, dans une déclaration sur (RTL le 21 septembre)
L'essai lui est revenu tel un boomerang, et le débat n'a fait qu'enfler.
«Ce qui me dérange par le discours actuel porté par le ministre de l'Éducation, c'est qu'on a l'impression qu'on met toute la culpabilisation sur le corps des femmes, une fois de plus: on a un discours à sens unique dans lequel on projette, sur le corps de ces jeunes filles, l'idée que ce corps est forcément, de façon inhérente, sexuel, provocant, dérangeant, et que c'est de leur faute (...) il faudrait au contraire tenir un discours à l'égard des garçons de changement de regard, d'attitude, de comportement. C'est toute la logique d'inculquer l'égalité filles-garçons à l'école, qui malheureusement a disparu depuis belle lurette.» (Najat Vallaud-Belkacem, le 18 septembre), expliquant qu'il fallait faire confiance aux chefs d'établissements.
Et une autre ministre, cette fois du même gouvernement que Jean-Michel Blanquer de dire exactement la même chose: «En France, chacun est libre de s'habiller comme il le veut. Les femmes ont mis des siècles à pouvoir s'affranchir de codes vestimentaires. Cette liberté conquise de haute lutte n'a pas de prix (...) C'est aussi un enjeu d'éducation des jeunes garçons, du rapport qu'ils entretiennent aux jeunes filles et lié aux valeurs de respect. » (Elisabeth Moreno, ministre déléguée à l'Egalité Femmes-Hommes, citée par Le Parisien, RTL)
Ce que Jean-Michel Blanquer a oublié c'est qu'en ce qui concerne l'image du corps et des vêtements, la République possède ses icônes dont la signification est largement partagée par les français.e.s.
Caricaturistes et photographes s'en sont donnés à coeur joie dans des productions souvent inspirées de La Liberté guidant le peuple d'Eugène Delacroix (note 1).
Quelques exemples de ces productions sont présentées ici en utilisant le droit de citation:
Sein caché quand même, le contraire ne passerait probablement pas la censure de Twitter.
Cette fois Jean-Michel Blanquer a perdu sa séquence de communication.
( 1 ) Il est intéressant de noter qu'en son temps, l'imagerie révolutionnaire a été débattue. Conservatisme et méfiance à l'égard des femmes sont à l'origine de la circulaire du 3 mars 1849 interdisant les emblèmes "séditieux" (sein nu et bonnet phrygien); une marianne sage tend à s'imposer (c'est la statue de la place de la république datant de 1883), puis la Marianne seins nus revient en grâce (statue de la place de la nation proposée lors d'un concours en même temps que la précédente, mais qui ne fut mise en place qu'en 1899).
↑ Lauren Bakir. Tenue républicaine: la confusion entre le droit et la morale ? The Conversation.
↑ Lauren Bakir. Tenue républicaine: la confusion entre le droit et la morale ? The Conversation.
La tentation totalitaire du manuel unique
«Entre quelque chose qui ne marche pas –la méthode globale– et quelque chose qui fonctionne –la syllabique- il ne peut y avoir de compromis mixte» Jean Michel Blanquer, le 26 avril 2018. Avec ce genre de raccourci le ministre oppose la méthode qu'il veut rendre exclusive et une autre, quasiment disparue et qui n'a été pratiquée à 100% que dans de rares situations. Artifice de langage qui vise surtout à créer la polémique.
Et de publier son petit livre rouge (pardon orange), un guide 130 pages décrivant dans les plus petits détails ce qui doit être fait, réduisant les enseignants à de simples exécutants.
Ironiquement, les auteurs de ce guide reconnaissent que l'utilisation de la méthode globale est réduite à des reliquats: «Bien que la méthode globale ne soit plus guère utilisée, nous voyons que des reliquats de ses pratiques persistent» (collectif :p34).
Mais le but est avant tout politique: mettre au pas tous ces professeurs des écoles tentés de prendre des initiatives et surtout plaire à un public nostalgique, conservateur, attaché à l'image mythique d'une école des temps passés; pire, plaire aussi à une toute une partie défavorisée de la société qui ne comprend pas trop ce qui se passe, et surtout comment ses enfants sont orientés.
Cette volonté de tout vouloir réglementer suscite un tolé quasi unanime des syndicats d'enseignants:
«Les circulaires parues au BO ce jour font référence aux pratiques pédagogiques des professeurs des écoles et s'ajoutent aux injonctions du guide d'enseignement de la lecture au CP. Elles sont pour le Sgen-CFDT une insulte à leur professionnalisme et à leur liberté pédagogique qui permet de différencier les apprentissages.
Les résultats nationaux et internationaux successifs mettent en évidence une fraction croissante des élèves se situant aux niveaux les plus faibles. A cela s'ajoute l'incapacité de notre système à réduire les inégalités qui en résultent sur l'ensemble de la population scolaire (...) ce ne sont malheureusement pas les nouvelles circulaires qui permettront de réduire ces écarts et de redonner confiance en l'école.»
Les résultats nationaux et internationaux successifs mettent en évidence une fraction croissante des élèves se situant aux niveaux les plus faibles. A cela s'ajoute l'incapacité de notre système à réduire les inégalités qui en résultent sur l'ensemble de la population scolaire (...) ce ne sont malheureusement pas les nouvelles circulaires qui permettront de réduire ces écarts et de redonner confiance en l'école.»
Sgen-CFDT Alsace
Les manuels uniques ont existé et c'était pendant la Monarchie de Juillet (sous Louis Philippe). François Guizot, membre du parti conservateur, est nommé ministre de l'instruction publique en 1832. Dans une situation globalement confuse, ses mesures peuvent apparaitre contradictoires: en 1833 il institue la liberté de l'enseignement primaire mais interdit les écoles mutuelles. Il impose aux communes de plus de 500 habitants la création d'une école de garçons, et d'une école primaire supérieure dans les villes de plus de 6 000 habitants. Il laisse le champ libre à la diversité «Selon les besoins et les ressources des localités, cette instruction (élémentaire ou supérieure) pourra recevoir les développements qui seront jugés convenables» (Guizot cité par Ferdinand Buisson, 1911), mais fait préparer cinq manuels officiels dont L'alphabet et premier livre de lecture: «L'instruction peut et doit être unie (...) Cette unité demande surtout un certain nombre d'ouvrages spéciaux sur chacun des objets de l'instruction primaire (...) qui soient répandus sous les auspices du gouvernement dans toutes les écoles publiques».
Les méthodes de Jean-Michel Blanquer s'opposent à la tradition républicaine de l'école, celle mise en place par Jules Ferry:
«il y aurait de graves inconvénients à imposer aux maitres leurs instruments d'enseignement (...) il n'y en a aucun à leur laisser librement indiquer ce qu'ils préfèrent».
Ferdinand Buisson, directeur de l'Enseignement primaire s'adressant au ministre de l'Instruction publique Jules Ferry, le 6 novembre 1879
«Les instituteurs et institutrices titulaires de chaque canton réunis en conférence spéciale, établissent une liste des livres qu'ils jugent propres à être mis en usage dans les écoles primaires publiques.»
«cet examen en commun deviendra un des moyens les plus efficaces pour former l'esprit pédagogique des enseignants, pour développer leur jugement, pour les façonner à la discussion sérieuse, pour les accoutumer, surtout, à prendre eux-mêmes l'initiative, la responsabilité et la direction des réformes dont leur enseignement est susceptible.»
Ferdinand Buisson, directeur de l'Enseignement primaire s'adressant au ministre de l'Instruction publique Jules Ferry, le 6 novembre 1879
«Les instituteurs et institutrices titulaires de chaque canton réunis en conférence spéciale, établissent une liste des livres qu'ils jugent propres à être mis en usage dans les écoles primaires publiques.»
arrêté du 16 juin 1880 pris par Jules Ferry
«cet examen en commun deviendra un des moyens les plus efficaces pour former l'esprit pédagogique des enseignants, pour développer leur jugement, pour les façonner à la discussion sérieuse, pour les accoutumer, surtout, à prendre eux-mêmes l'initiative, la responsabilité et la direction des réformes dont leur enseignement est susceptible.»
Jules Ferry le 7 octobre 1880
Pour une analyse plus scientifique du contenu du petit livre orange lire: «Un guide fondé sur l'état de la recherche (...) Faux !» (Bucheton, 2018), «Apologie d'une méthode syllabique radicale alors que celle-ci ne devrait rester qu'une modalité parmi d'autres de cet enseignement» (Goigoux, 2018), et le dossier que le Café pédagogique à consacré à l'analyse globale de ces circulaires.
Et fin août 2020 Jean-Michel Blanquer a fait tester dans 350 classes de 10 départements non plus un guide mais cette fois un véritable manuel officiel Pour apprendre la lecture et l'écriture au CP.
On mesure sans peine toute la régression parcourue depuis l'école républicaine de Jules Ferry
↑ Bulletin officiel spécial n° 3 du 26 avril 2018. Ministère de l'Education nationale.
↑ Guizot. Dictionnaire de pédagogie de Ferdinand Buisson (1911). INRP / IFE.
Le premier texte en page 40 reprend le thème de la génèse; la loi sur la laïcité ne paraitra que 75 ans plus tard !
↑ Dominique Bucheton. 2018. Instructions Blanquer: un texte politique. Le Café pédagogique.
Le nouveau petit livre orange du ministre: faut-il en rire ? en pleurer ? ou s'inquiéter pour notre démocratie ?
↑ Roland Goigoux. 2018. Quelques éléments de réflexion en réponse aux questions que vous m'avez adressées à la suite de la publication du guide ministériel.
↑ Instructions Blanquer: le dossier. Le Café pédagogique.
L'école républicaine: Liberté, Egalité, Fraternité
L'école républicaine, c'est l'école de la Liberté. Liberté pédagogique des enseignants qui est le moteur de leur investissement, liberté des élèves car l'apprentissage réussi est d'abord une envie d'apprendre. La liberté c'est devenir autonome, apprendre à choisir, apprendre à penser par soi-même.L'école républicaine c'est l'école de l'Egalité. On attend trop souvent de l'école qu'elle corrige les inégalités sociales alors qu'on ne fait rien par ailleurs pour les réduire, comme si l'espoir d'une vie meilleure allait rendre ces inégalités plus supportables. Il faut inverser cette relation et prendre conscience que l'école ne peut vraiment être elle même que dans une société égalitaire. Une école qui permet à chacun de se réaliser, qui n'a pas pour but d'adapter chaque individu à tenir la place que d'autres lui ont assigné. Egalité n'est pas identité. L'égalité pour l'élève, c'est apprendre que l'autre, quels que soient ses différences, ses manques et ses forces, est au moins aussi important que lui.
L'école républicaine, c'est l'école de la Fraternité. J'aime bien aussi employer le terme de coopération qui se projette dans une dynamique de co-apprentissage. La fraternité ne peut être imposée à l'élève, sinon elle s'opposerait à la Liberté, elle doit être construite. La fraternité ne peut être un simple don parce que dans une relation trop assymétrique, elle s'opposerait à l'Egalité.
Pour l'histoire, la Liberté et l'Egalité apparaissent dans la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, la Fraternité est ajoutée par la Commune de Paris en 1793 (elle est alors gouvernée par un mouvement révolutionnaire représenté par son maire Jean-Nicolas Pache) qui inscrit la devise au fronton des édifices publics parisiens; la devise ne se diffusera sur toutes les écoles publiques de France qu'après 1879 sous la 3e République.
L'Egalité, comme l'énonce la déclaration de 1789 de l'Homme, est d'abord une notion de droit. Le glissement vers l'égalité économique est apprement discuté, les partisants du libéralisme économique reprochant l'incompatibilité avec la Liberté. La notion de bien commun, partagé entre les membres d'une communauté est déjà énoncé par Platon dans La République; l'application de cette notion aux ressources naturelles, ou aux biens immatériels (liés à la connaissance et à l'information) revisite l'idée d'Egalité dans la mesure où elle permet à chaque citoyen.ne d'en revendiquer une part égale et constitue un moteur contemporain dans la contestation du libéralisme économique ou de son avatar le néolibéralisme (1).
On est bien loin me semble-t-il de l'école de Jean Michel Blanquer, celle des apprentissages imposés, celle de l'évalution et des classements permanents, celle de la compétition érigée en paradigme.
(1) Il faut quand même avouer qu'il manque quelque chose à cette Ecole Républicaine malgré les réflexions naissantes d'un Elisée Reclus face à la relativité du "progrès" dans la diversité des cultures ou les émotions d'un Jean-Jacques Rousseau face à la Nature, et qu'on pourrait nommer l'Humilité.
La réflexion démarrée au siècle des lumières doit être poursuivie: «Au cours des siècles, la science a infilgé deux blessures à l'amour-propre de l'humanité: la première, lorsqu'elle a montré que la Terre n'est pas le centre du monde mais un point minuscule dans un univers d'une dimension à peine concevable; la seconde quand la biologie a frustré l'Homme du privilège d'avoir fait l'objet d'une création particulière et a mis en évidence son appartenance au monde animal.» (Sigmund Freud, 1916: 266-267). Il nous reste a en prendre vraiment conscience et le temps presse.
Sigmund Freud. 1916. Introduction à la psychanalyse. Petite bibliothèque Payot.
Pour être complet, Sigmund Freud ajoutait une troisième blessure concernant le moi, la conscience humaine n'étant qu'une petite fenêtre ouverte sur la vie psychique.
Pour être complet, Sigmund Freud ajoutait une troisième blessure concernant le moi, la conscience humaine n'étant qu'une petite fenêtre ouverte sur la vie psychique.
J'invite tous les lecteur.trice.s à m'envoyer d'autres exemples de détournement du mot République (par JMB) pour enrichir cette page.
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