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Une nouvelle polémique à remplacé celle sur les "islamo-gauchistes": elle concerne les cantines scolaires de la ville de Lyon, avec un même point commun: la désinformation.

Au retour des vacances d'hiver le 22 février la mairie de Lyon, face à un nouveau protocole sanitaire difficile à mettre en oeuvre et pour accélérer le passage des élèves, a décidé de ne plus offrir qu'un seul plat principal au lieu de deux. Et ce plat ne comporte pas de viande (mais le plus souvent des oeufs ou du poisson). Lorsque les élèves avaient le choix (entre deux plats), environ 50% d'entre eux seulement choisissent le plat avec viande. Et l'ancien maire de Lyon, Gérard Collomb, avait pris exactement la même mesure, lors de la sortie du premier confinement.
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The Daily Lies, par Goin 2016, rue Génissieu, Grenoble; © Creative Commons by NCSA (Attribution: Michel Racine)

Gérard Darmanin (toujours lui) a lancé cette polémique en écrivant sur twitter le 20 février: «Insulte inacceptable aux agriculteurs et aux bouchers français (...) politique moraliste et élitiste des "Verts" [qui ] exclut les classes populaires. De nombreux enfants n'ont souvent que la cantine pour manger de la viande».

Le ministre de l'Agriculture, Julien Denormandie en a rajouté une couche en déclarant: «D'un point de vue nutritionnel, c'est aberrant (...) D'un point de vue social, c'est une honte, parce que (...) ce sont ceux qui sont les plus fragiles qui sont pénalisés par de telles décisions.» et a annoncé l'ouverture d'une enquête par le préfet du Rhône afin de vérifier que les menus couvrent les besoins des enfants (Denormandie, 23 février).

Le 22 février les éleveurs de la FDSEA du Rhône on manifesté devant la mairie et affirmé dans un communiqué: «Nous rappelons que des légumes ou légumineuses ne sont pas des menus de substitution car ils n'ont pas la même valeur nutritionnelle qu'un morceau de viande». On comprend ces éleveurs quand ils s'opposent à l'accord du Mercosur et expliquent que leur pratique n'est pas celle des américains, mais cela ne justifie pas de véhiculer de fausses informations pour promouvoir la consommation de viande.

«D'un point de vue nutritionnel, c'est aberrant» et «ils n'ont pas la même valeur nutritionnelle qu'un morceau de viande»

Faux: c'est même l'inverse. Pour un menu comportant des oeufs ou du poisson la question ne se pose pas vraiment. Pour un menu végétarien sans poisson (et avec une consommation d'oeufs et de produits laitiers limitée hors plat principal), il faut simplement faire attention à la complémentarité des protéines végétales: associer céréales et légumineuses dans le même repas. Pour un menu vegan les choses sont un peu plus compliquées: les apports en fer sont à surveiller et une supplémentation en vitamine B12 est à prévoir.

Mais l'abandon de la viande apporte des benéfices du point de vue prévention: la survenue de cancers, de diabètes, de maladies cardiovasculaires est nettement diminuée (EAT-Lancet, 2019).

Pour lutter contre les idées fausses: brochure à télécharger (AVF, Greepeace, fcpe).

«Les plus fragiles sont pénalisés»

Faux: puisque la viande est mauvaise, cela ne saurait-être une pénalisation. De plus les études montrent que plus le niveau d'étude des parents est élevé, moins les enfants mangent de viande (Anses, 2017). Une autre enquête montre que ce sont les fruits et légumes frais et le poisson qui sont les plus difficiles d'accès pour les familles pauvres (Secours populaire, 2018) .

Désinformation et pêche aux électeurs en surfant sur les idées de l'extrême droite

La droite est en campagne électorale. Empêcher la mutation nécessaire de l'agriculture (malheureusement une de plus) nécessaire pour limiter les changements climatiques, la pollution et la dégradation des sols pour soutenir le lobby agroalimentaire; faire passer pour idéologique une mesure de santé en s'attaquant prioritairement aux musulmans (qui souhaitent de la viande halal et ne mangent pas de porc) accusés de communautarisme (Figaro Vox le 22 février), mais aussi aux végétariens et végans, mais aussi aux juifs (qui ne mangent pas de porc), aux catholiques (qui ne mang·ai·ent pas de viande le vendredi); accuser les "verts" d'islamo-gauchisme; tout est bon pour certains. Heureusement, d'autres ministres macronistes, mais d'origine politique différente, ont calmé le jeu.

Olivier Véran (ex PS): «je ne suis pas choqué qu'on puisse proposer des menus sans viande ni poisson à l'école. La question, c'est quelle est la motivation sous-jacente». On est tenté de dire heureusement puisque la loi Egalim impose le choix entre un menu végétarien et un menu avec viande ou poisson (ou oeuf) au moins une fois par semaine. Et plus de 40% des écoliers choisissent alors le menu végétarien (soit par préférence personnelle, soit par application des consignes de leurs parents).
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Affiche électorale; fcpe, 2019; crédit fcpe

Mais surtout Barbara Pompili le 22 février a eu le courage de placer le débat sur le fond, réfutant tous les arguments des opposants sur le plan scientifique: «Je regrette beaucoup que sur ce sujet, on retombe dans un débat préhistorique (...) des clichés éculés, du type "l'alimentation végétarienne serait une alimentation déséquilibrée", alors qu'on sait que la viande peut être remplacée par du poisson, des oeufs, des légumineuses qui apportent toutes les protéines nécessaires (...) On entend aussi que des enfants de milieux un peu défavorisés mangeraient moins de viande que les autres, des études montrent l'inverse».

Une transformation nécessaire et indispensable de notre alimentation et de notre modèle agricole

En 2019, 500 personnalités françaises avaient appelé à un lundi sans viande ni poisson dans une tribune du Monde (Le Monde, 2 janvier).

En 2019 la revue médicale britannique The Lancet publie l'étude réalisée par la commission EAT-Lancet (37 scientifiques du monde entier) après trois ans de travail. Le but de cette commission était d'aboutir à un consensus sur la définition d'une alimentation saine et préservant les ressources de la planète.

L'étude propose une évolution radicale des pratiques alimentaires dans de nombreux pays (Amériques, Europe et Asie centrale, Chine et Japon): réduction de la consommation de viande et de sucre raffiné de 50% et augmentation de la consommation de fruits et légumes (en particulier des fruits à coque et des légumineuses) de 100% (Petite histoire de l'écologie politique, 2019).

L'agriculture, qui risque de subir de plein fouet le réchauffement climatique, est aussi une des principales sources de gaz à effet de serre (environ pour 25% de toutes les émissions). Au niveau mondial on estime que l'élevage représente à lui seul environ 15% des émissions soit autant voire plus que tous les transports confondus (route, maritime, aérien, rail). Et dans ces élevages l'élevage des bovins est le plus responsable (pour réduire la production de gaz à effet de serre mieux vaut consommer du mouton que du boeuf, du porc que du mouton, des volailles que du porc, c'est la dure réalité). En France, la part de l'agriculture dans les émissions serait plus faible (peut être parce que les transports sont plus envahissants ?), mais on sait que les causes principales sont le méthane rejeté par les bovins et les oxydes d'azotes produits par la sur-utilisation d'engrais azotés.

Par ailleurs, on a tendance à oublier une des grandes inquiétudes des années 1960-1970: la faim dans le monde. Elle a été surmontée au prix d'une transformation vécue à l'époque comme un progrès mais qui doit être dénoncée aujourd'hui: remplacement des variétés et races traditionnelles par des lignées offrant de meilleurs rendements (mais plus fragiles), utilisation déraisonnable (pour compenser cette fragilité) d'engrais, de pesticides divers; hors le bilan actuel conduit à proscrire tous ces intrants et à inventer ou retrouver des pratiques de traitement du sol différentes qui inévitablement feront un peu baisser les rendements. Cette baisse n'est pas un problème car sur une surface donnée, on nourrit une population dix fois plus nombreuse avec des protéines végétales qu'avec des protéines animales.

Santé, climat, partage: tout conduit à diminuer la consommation de viande; c'est sans appel.

Références

2017. Étude individuelle nationale des consommations alimentaires (INCA 3). Rapport d'expertise, ANSES (Agence gouvernementale).

2018. Focus sur la précarité alimentaire. IPSOS pour le Secours Populaire.

Végécantines. Association végétarienne de France.

Menu végétarien hebdomadaire à l'école. ANSES (Agence gouvernementale).

2019. Alimentation, Planète, Santé. Rapport de synthèse (version française). EAT-Lancet.


Pour une Sécurité Sociale de l'Alimentation.
Un concept intéressant.

20 février 2017. Au Portugal, toutes les cantines ont désormais l'obligation légale de proposer un repas vegan. France 24.

2 janvier 2019. Pour un lundi vert. Tribure du Monde.

Laurence Taillade. 22 février 2021. Ce que révèlent les menus sans viande dans les cantines à Lyon. Le Figaro Vox.

22 février 2021. Barbara Pompili déplore un débat préhistorique. France 3 régions.

Julien Denormandie, le 23 février 2021. Denormandie fustige une écologie "de l'entre-soi". RTL.

Maxime Vaudano. 27 février 2021. Non, il n'est pas indispensable de manger de la viande pour être en bonne santé. Le Monde.

Collectif lycéen. 25 mars 2021. Nous voulons #PlusDeVégé dans les cantines de nos lycées. Libération.
Quand les premiers intéressés, les lycéen·ne·s revendiquent le choix quotidien entre menu "végé" et non "végé".

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